Le cas Pauline et la boulimie

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Ce cas figure en annexe du livre « Qu’est-ce qu’on Lacan pour être heureux ? » (Eyrolles Ed.)

La boulimie (du grec ancien βουλιμία, boulimía (« faim de bœuf ») est une addiction, en ce sens qu’elle repose sur le fait d’avoir une envie récurrente et irrépressible de consommer quelque chose : ici de la nourriture, mais le tabac, le cannabis, l’alcool, etc.

La consommation excessive de nourriture ou de drogues se fait malgré soi, malgré le fait que, à chaque instant, on se dit qu’il faut arrêter, sans pouvoir s’y soustraire.

La boulimie est un trouble du comportement qui consiste à avoir toujours le sentiment de faim, ce qui conduit à ingurgiter de la nourriture sans plaisir et sans atteindre le sentiment de satiété. La boulimie concerne près de 10 % des adolescents. 90 % des personnes atteintes sont des femmes.

Sans aller jusqu’à vous faire vomir, vous passez votre temps et vos nuits dans la cuisine. Une crise de boulimie se déclenche lorsque vous êtes est fortement angoissée. La crise se calme lorsque vous avez mangé, mais alors un sentiment de dégoût de vous-même peut s’installer, et, parfois, la dépression, la culpabilité et le manque de confiance en soi reviennent au galop.

Centaines personnes deviennent boulimiques et d’autres en réchappent. Généralement, les boulimiques ont eu, dans l’enfance, des difficultés relationnelles avec leur entourage. Mais d’autres facteurs, encore peu expliqués, en sont la cause : l’instabilité (déménagements, absence répétée d’un parent), nutrition et manière de se nourrir (nourriture industrielle, ne pas jouer à table, etc.). L’entourage du boulimique est parfois culpabilisé : père et mère puis, dans un schéma se répétant, mari ou femme.

Mais comment expliquer que certaines jeunes femmes sombrent dans la boulimie et d’autres non ? Il est, aujourd’hui encore, impossible de savoir avec exactitude pourquoi certaines sont plus vulnérables que d’autres. Longtemps, des difficultés relationnelles entre les mères – ou les parents nourriciers – et leurs filles ont été incriminées. Mais l’on sait à présent que les troubles du comportement alimentaire relèvent tous d’un faisceau de causes multiples et croisées, où la génétique, la nutrition, le psychique, ou encore la société ont tous un rôle à jouer. La culpabilité de l’entourage n’est donc plus systématisée. Néanmoins, leur implication reste parfois bien réelle, notamment dans le déclenchement du trouble.

La personne boulimique se protège souvent de son environnement qui lui semble hostile en s’entourant de graisse. Elle n’assume pas son corps qu’elle veut détruire. Parfois, elle jeûne ou fait un régime. Elle subit les regards des autres : « fais un régime », « tu n’as pas de volonté ».

Il est difficile de faire prendre conscience à la personne qu’elle est boulimique. Il faut veiller à ce qu’elle soit bien entourée avant de commencer tout traitement.

Certains thérapeutes s’appuient sur la bonne volonté du boulimique, en l’envoyant chez un diététicien ou un médecin nutritionniste. Le diététicien n’est pas médecin, mais peut travailler en binôme avec un médecin. Il informe ses patients en matière de nutrition. En fonction de la situation du patient, il conçoit un programme alimentaire spécifique qui assure un équilibre nutritionnel. Le médecin nutritionniste pose un diagnostic et prend en charge les troubles : obésité, boulimie, compulsion, diabète, excès de cholestérol, allergie ou intolérance alimentaire, etc. Il prescrit les bilans et analyses nécessaires.

Mais plus la personne fait des efforts, moins parfois ça marche car plus elle va se culpabiliser… La personne, pourtant volontaire dans son travail, son heure de réveil, son courage pour aller faire des courses ou pour s’occuper de ses enfants, ne l’est pas ici. Ce n’est donc pas un problème de volonté.

Mieux vaut alors s’intéresser à l’addiction, c’est-à-dire au trouble de la personnalité et non pas au symptôme. Le coaching analytique est une méthode adaptée : vous parlerez d’abord un peu de votre comportement alimentaire (étape 1, séances d’approche), mais glisserez vite vers l’expression de vos émotions (étape 2, psychanalyse). Puis l’étape 3 (sortie de cure), vous aidera à écrire une feuille de route avec le praticien car alors vous vous connaîtrez bien : vous aurez déterminé la cause de votre boulimie.

La boulimie relève d’une démarche personnelle, mais aussi d’un travail en groupe intensif, comme toutes les thérapies liées à une addiction, défini dans l’étape 3 : feuille de route. Il n’est pas besoin d’entreprendre un travail de groupe ou un suivi psychiatrique si la psychanalyse, suivie d’une feuille de route suffisent. Le travail de groupe peut néanmoins être entrevue dès les séances préparatoires, en complément d’une psychanalyse, ou être envisagé en sortie de cure.

La psychanalyse permet une perte du contrôle de soi, une vraie remontée des émotions. Le contrôle de soi est souvent un frein y compris dans les thérapies de groupe ou en entretien en face à face avec un praticien quel qu’il soit.

Dans le cas de la boulimie, il est certain qu’elle engendre à la fois des problèmes profonds (les causes) et des problèmes immédiats (le fait de prendre du poids au point d’être dégoûté soi-même de son apparence physique). Le coaching analytique tient compte des deux, en commençant par les problèmes de fond, et en déterminant ensuite les actions à mettre en place : vacances, yoga, méditation, opération bariatrique pour maigrir vraiment, prise en compte que l’obésité est une maladie et que les régimes n’y peuvent peu ou pas grand chose, etc.

Le Cas Pauline

Pauline T., 35 ans, 125 kg, assistante de direction, n’en peut plus : elle est trop grosse et se trouve trop grosse. Elle a essayé tous les régimes : régime grec, régime protéiné dissocié, jeûnes, et a suivi tous les conseils de ses meilleures amies ou d’Internet : faire du sport, ne plus rien mettre dans le frigo, etc.

Elle mange tout le temps : au petit-déjeuner, au déjeuner, au dîner et même la nuit, il lui arrive de se relever pour passer un moment devant le réfrigérateur pour manger un yaourt ou de la charcuterie. Elle emmène au bureau un goûter et un en-cas pour 10 heures : il s’agit de sauver les apparences et ne pas manger de façon de façon compulsive lors du déjeuner avec les collègues.

Mais elle se dégoûte d’elle-même, n’ose plus se mettre en maillot de bains car elle a grossi et est bouffie du visage. Elle ne sort plus avec personne. Son chef ne lui dit rien, mais elle ressent un regard désapprobateur de sa part. D’ailleurs elle a du mal à bouger et aller au cinéma ou voir des amis le week-end est devenu une corvée. Du coup, elle s’est coupée de liens sociaux.

Elle n’y arrive pas. On lui a dit que la nourriture était une addiction et l’obésité est une maladie. Elle a rencontré une amie qui l’a envoyée écouter un professeur, pionnier de la chirurgie bariatrique en France. Elle hésite à se faire opérer par by-pass car elle sait au fond d’elle-même qu’il doit exister d’autres causes à son obésité.

Elle prendra donc toute décision après avoir travaillé sur elle-même. La proposition de coaching analytique, qui encadre une psychanalyse et qui notamment assure une « sortie de cure » coachée, lui convient tout-à-fait : elle a aussi besoin d’être conseillée pour savoir quelles mesures elle devra prendre, si elle se fait vraiment opérer, comment retrouver le goût du sport.

Une psychanalyse peut suffire : Pauline n’en est pas à se faire vomir et a bien conscience de son état. Un travail collectif, à un moment envisagé, risquerait au contraire d’aggraver sa culpabilité.

Les enseignements de la psychanalyse

Pauline T. se « remplit » de nourriture : elle a le besoin de remplir un vide, de remplir le vide de sa vie. Effectivement, sa mère lui donnait toujours un bonbon pour la récompenser, et le soir, pour qu’elle accepte de s’endormir.

Née dans une famille plutôt pauvre, la qualité de la nourriture était médiocre : nourriture industrielle, toute faite. Pas de légumes ni fruits frais.

Pas d’histoires le soir : son père se levait très tôt pour aller sur les chantiers, réveillant tout le monde par la même occasion. Pas de parents très présents, donc, un vide de tendresse et d’amour, amour qu’elle trouvait néanmoins avec sa petite sœur. Pauline T. dormait mal lorsqu’elle était enfant et se traînait donc à l’école. On lui a dit un jour puis répété : « Tu n’auras pas de métier plus tard si tu arrives en retard. Déjà que tu es grosse … ». Cette phrase lui résonne dans la tête encore aujourd’hui. Du coup, elle a développé une haine contre sa mère qu’elle ne voit presque plus.

Adolescente abîmée, Pauline, comme il y en a des millions, est la victime des lobbies agro-alimentaires, ceux du sucre en particulier, d’une mère qui l’a eue très jeune et qui n’a pas su l’élever ni lui donner de l’amour, et d’un père absent.

Décryptage

Le manque d’amour, de câlins, de sommeil, d’histoires le soir, de séduction, de sexualité. Les manques de toutes sortes appellent le remplissage. Puisqu’elle ne se fait pas vomir, son corps retient les sucres et les graisses et elle grossit.

Qu’est devenue Pauline ? Consultez le cas en fin d’ouvrage : « Qu’est-ce qu’on Lacan pour être heureux ? » (Eyrolles Ed.)

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